2018 : Brève introduction au rapport Meadows, "The Limits to Growth"

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Par Artur Adam Jusaine

En 1972, les modélisateurs du Massachussets Institute of Technology (MIT) menés par Donella et Dennis Meadows publiaient leur rapport The Limits to Growth (en français « Halte à la croissance« , actualisé en 2004) qui exposait les conclusions du modèle World3. Ce modèle non linéaire de 150 équations quantifie les principales boucles de rétroaction à l’œuvre dans le système terre (démographie, ressources, industrie, emploi, services, pollution, agriculture, usage des sols…) pour analyser les conséquences d’un mode de développement fondé sur la croissance.

Leur conclusion est sans appel : même avec des variantes du scénario standard run supposant un niveau irréaliste de progrès des technologies vertes sobres et économes (très loin des progrès effectifs), la recherche d’une croissance économique exponentielle ne pouvait conduire qu’à un dépassement des limites matérielles, suivi d’un effondrement (« overshoot and collapse »).

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Un tel message appelant à la sobriété ne pouvait qu’être mal accueilli et discrédité par les économistes des courants dominants (aux prix d’ailleurs d’un certain nombre de critiques mensongères, fausses citations à l’appui (Ugo Bardi 2011)). Hélas, les faits sont têtus : le rapport est peu à peu réévalué et sa comparaison avec les données empiriques du demi siècle écoulé depuis sa première publication révèlent une troublante exactitude (articles de Graham Turner 2008, 2012). Du point de vue de son adéquation au réel, le modèle World3 est probablement le meilleur modèle économique de tous les temps (Gael Giraud 2016).

Dans le scénario 1 (Standard Run, ci-dessus), l’effondrement est causé par une raréfaction des ressources naturelles non renouvelables (e.g. le pétrole, le cuivre…) dont la conséquence est un coût croissant de leur extraction en capital industriel qui ne permet plus de maintenir un niveau suffisant d’investissement pour maintenir le niveau de production matérielle. Ce coût en capital des ressource est mesuré par l’économie (bio)physique et écologique par le concept de Taux de Retour Énergétique (TRE, en anglais EROEI pour Energy Return On Energy Invested), dont l’évolution est globalement conforme aux prévisions de World3. Ce coût en énergie ne doit pas être confondu avec le prix monétaire.

Dans les autres scénarios 2, 3 et 4, où les ressources disponibles sont supposées doublées, l’effondrement est causé par l’érosion des sols, les impasses de l’agriculture productiviste et les conséquences de la pollution (e.g. le réchauffement du climat). Une bonne introduction à ces problèmes est le livre World on the Edge de Lester Brown (2011).

En 2012 Meadows déclarait « It is too late for sustainable development, now it’s time for resilience ». Les mirages rassurants des nouvelles technologies et l’emploi orwellien d’oxymores telles que « croissance verte » ou « développement durable » ne doivent pas faire oublier qu’il n’y a d’espoir que dans une diminution importante et rapide de notre consommation matérielle et énergétique. Décroissance et réduction des inégalités.

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